Le Pli n° 174 (2025/3)

format A5, 32 p. couleur

Éditorial

En septembre, tous les deux ans, c’est devenu pour Cécile et moi une tradition d’aller quelques jours au Festival mondial des marionnettes de Charleville-Mézières. Outre le plaisir de découvrir un vaste panel de spectacles, c’est aussi un moment qui rappelle un peu le monde de l’origami, par la diversité de ses tendances, de ses moyens et de ses buts. Et le retour au « monde réel » est tout aussi brutal, avec la difficulté à communiquer aux autres ce qu’on y trouve et ressent réellement.

Le monde des marionnettes et celui de l’origami ont d’autres choses en commun : l’idée du bricolage et la simplicité de moyen. De presque rien naît un univers complet avec ses codes, son esthétique et sa pertinence. Une chaussette devient cachalot, une boule poilue peut être l’héroïne d’une aventure incroyable où le public va vivre intensément son parcours. Parfois, au contraire, un personnage d’une précision et d’une finesse de détails va vivre dans un décor foisonnant.

Vous avez sans tous vécu ce moment où vous montrez fièrement votre parfait pliage de léopard à un ami : celui-ci vous félicite pour ce adorable petit chien ! Votre spectateur ne disposait pas des codes pour comprendre votre origami.

Faut-il pour autant que toujours s’adapter au spectateur ? Dans ce monde de l’image, la tendance à offrir au public ce qu’il connaît déjà est reine : on s’inspire d’une représentation existante, et, au final, le monde visuel est tristement homogène.

Les illustrations générées à l’aide de l’intelligence artificielle procèdent souvent du même problème. À piocher dans un répertoire d’images déjà disponible, comment les représentations peuvent-elles être personnelles ?

Dans l’introduction d’Origami Design Secrets, Robert J. Lang évoque l’exposition de 88 éléphants par Alain Georgeot – un de nos anciens présidents – et en montre 32. D’un coup d’œil, on peut y déceler un grande variété de techniques d’origami, mais surtout de styles. Aujourd’hui, le nombre serait bien plus important, mais leur diversité ? Une recherche d’image sur Google (et ne parlons pas de Youtube) nous montre un univers de plus en plus appauvri par la duplication de contenu, au point qu’on peut imaginer, dans quelques années, n’avoir qu’un seul éléphant en origami disponible sur internet. Le dernier des éléphants de papier, mais en des milliers d’exemplaires.

Luttons contre cette homogénéisation des styles et allons chercher notre imaginaire de papier bien au-delà des photos d’Internet. Décalons notre point de vue, allons chercher dans notre imaginaire, dans la nature, dans les livres et les gravures, et même dans les spectacles de marionnettes !

Aurèle Duda

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• pli174-web.pdf